La musique

 

 

Les musiciens de picasso

"Les musiciens" de Picasso

 

 

La musique réunionnaise

 

Les premières chansons introduites par les colons blancs à la Réunion ont été sans doute des chansons de marins et des chansons à boire et à danser, puis des chansons amoureuses appelées romances, puisées dans le répertoire populaire européen.

De leur côté, les esclaves noirs qui provenaient de différentes tribus africaines et malgaches ont mélangé leurs chants et leurs danses et les ont adaptés à leurs nouvelles conditions de vie. C’est ainsi que naît le séga qui perpétue à l’origine des pratiques liées au culte des ancêtres au cours de cérémonies appelées kabars. Le kayamb, le roulèr  et le bobre sont les instruments de base de ce séga ancestral. Par la suite, avec le moringue, il devient un moyen pour les esclaves d’évacuer leurs ressentiments à l’égard des maltraitances subies au cours de longues journées de labeur.

Le mot séga serait dérivé du mot t’chéga qui vient du Mozambique et qui veut dire : « retrousser, relever ses habits»

Au départ, la plupart des blancs considèrent le séga originel comme étant bâti autour d’une musique mineure, de paroles incohérentes et d’une danse manquant de retenue, si bien que pendant longtemps il sera pratiqué loin des regards des colons et que les historiens auront du mal à cerner son évolution, d’autant que sa transmission est strictement orale. Cependant, au fil du temps, un véritable métissage artistique va s’opérer et transformer ce séga pour donner naissance à ensemble musical typiquement réunionnais. A coté du séga des champs et des « calbanons » on assistera au développement du séga des villes et des salons.

Afin de se différencier du nouveau séga dit « séga créole », le séga ancestral ou « séga des noirs » prendra le nom de maloya à la Réunion alors qu’il s’appellera séga ravanne à Maurice, séga tambour à Rodrigues et Moutia aux Seychelles.

L’apparition du mot maloya serait relativement récente puisqu’il semble que Fourcade serait le premier à l’avoir employé. Il proviendrait du malgache et il traduirait l’idée de souffrance et de complainte.

D’après le livre de Jean-Pierre La Selve « Musiques Traditionnelles de la Réunion », un certain Maillard qui semble faire remonter le séga originel au milieu du XVIIIe siècle en fait la description suivante :

« L’orchestre prélude par quelques coups de tambour ; le chef redit plusieurs fois le commencement de l’air qu’on doit chanter ; les autres instrumentistes frappent sur leur tambour comme pour prendre l’accord. Hommes et femmes s’alignent en chantonnant et en marquant la mesure des pieds, du corps et de la tête. Peu à peu l’orchestre prend de la force ; chanteurs et chanteuses divisés en plusieurs groupes, ayant commencé à chanter séparément mêlent leurs voix. Alors un danseur entre dans le cercle, et par des poses les plus lascives invite une danseuse à enter dans l’arène … »

Pendant longtemps, le maloya a été dévalorisé par les colons blancs car il semblait trop associé à un désir d’émancipation des noirs qui risquait de remettre en cause l’économie de l’île. Après la deuxième guerre mondiale le maloya a été utilisé par le Parti Communiste Réunionnais pour mettre en exergue les misères du petit peuple. Face à cette situation, il a été censuré par les pouvoirs publics.

En 1981, la libération des ondes le ramène au devant de la scène grâce à quelques résistants comme Firmin Viry, Gérose Barivoitse dit « Le roi caf’ » et Julien Philéas dit « Gramoun Lélé »  Une nouvelle génération prend ensuite le relais, tels Danyel Waro, Alain Peters, Ti’Fock, Françoise Guimbert, Nathalie Natiembé, Ziskakan et bien d’autres qui parviennent à l’enrichir d’instruments modernes tout en sauvegardant son âme.

Comme nous venons de le voir, le séga créole est né du séga ancestral, ce dernier étant appelé plus tard maloya.

Au départ deux mondes vivent côte à côte : Dans les champs et les « calbanons »,  les esclaves avec leurs traditions afro-malgaches, puis les engagés indiens avec leur propre culture, et dans les salons, les blancs qui font la fête sur des airs européens à la mode.

Le séga créole naît du rapprochement progressif de ces deux mondes, telle une véritable alchimie d’instruments, de rythmes et de mots. Les paroles plaintives du maloya sont remplacées par des paroles souvent coquines ou cocasses. Agrémenté d’instruments occidentaux et tout en gardant une rythmique afro-malgache, cet alliage est enrichi par une musique de danse festive qui tire ses origines des chansons et danses traditionnelles d’Europe tels que le quadrille, la scottish, la polka et la mazurka. Au fur et à mesure de son évolution il est de plus en plus accepté par l’ensemble de la population.

Parallèlement les chansons et les danses traditionnelles d’Europe sont créolisées tant au niveau des paroles que de la musique. C’est ainsi que naissent notamment la romance créole et le quadrille créole.

Georges Fourcade est incontestablement celui qui aura su faire reconnaître à toutes les couches de la population la valeur du séga et des romances créoles. Son influence sur la chanson réunionnaise sera telle qu’il se fera appelé « Le barde créole »

Jules Fossy qui a mis en musique les chansons de Georges Fourcade écrit dans sa propre biographie :

« C’est à l’aurore de l’an de grâce 1948, le mardi 6 janvier, jour des Rois, que j’écris ces quelques lignes, peut-être  les dernières de ma vie.

Né en 1879 à Saint-Denis de la Réunion, ma seule passion c’est la musique, détestant la politique. Cet art m’a été enseigné par le très cher frère Isaïe.

De retour de la Grande Guerre en 1919 à la Réunion, où sévissait la grippe espagnole, je fus appelé à faire partie de la Société Philharmonique comme clarinettiste, sous la direction de Monsieur Jacob de Cordemoy … Depuis 1925, sous le majorat de Monsieur Jean Chatel, j’étais chef de la fanfare municipale jusqu’en 1940 … En dehors de ces sociétés savantes, j’étais le collaborateur de notre barde et poète créole Monsieur Georges Fourcade, voilà bientôt un quart de siècle …

Cet homme talentueux a le don rare de chanter admirablement, s’accompagnant de sa précieuse et inséparable guitare …De toutes les créations de notre barde, Georges Fourcade, c’est la chansonnette « Petite fleur aimée » qui d’après moi est le chef d’œuvre résumant la vie d’un être humain doué de bons sentiments … Puisse cette chansonnette continuer à avoir sa vogue dans l’au-delà !! »

Il ne croyait pas si bien dire ! Cette "chansonnette" est devenue la chanson fétiche de La Réunion.

A partir des années 1950, le séga se popularise encore plus ; grâce à la radio publique qui non seulement diffuse les chansons à succès mais organise également des radio-crochets pour lancer les jeunes talents ; grâce également au phonographe et aux chanteurs de rues tels Madoré, Caf’Francisco ou Mireille, le célèbre travesti.

En animant les bals dans des lieux mythiques comme l’Hôtel de l’Europe ou l’Hôtel du Levant, les orchestres de Jules Arlanda, Loulou Pitou, Claude Vinh-San, André Philippe, Serge Barre, Armand Tropina et bien d’autres, qu’ils soient créoles ou zoréoles, ont fait connaître à la population les plus belles pages musicales de la Réunion.

Enfin, l’industrie discographique locale, et plus tard l’ouverture des ondes aux stations de radio-privée vont faire naître de nouvelles compositions et remettre au goût du jour les répertoires du passé.

 

Extrait de la soirée littéraire et musicale de l'A.R.T :     

"Les chansons traditionnelles et populaires réunionnaises"

 

 

 

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